lundi 16 juin 2014

L'histoire du foot pour ceux qui veulent se la péter (1/4)

Vous en avez marre. Okay, vous êtes le profil type du sportif de divan, bière à la main et jogging craspeck sur le cul. Mais vous en avez marre que votre femme vous fasse la gueule à chaque fois que vous voulez vous regarder un bon match, et que tout le monde autour de vous vous considère comme un gros beauf inculte. Déjà, vous n’êtes pas si gros. Et bientôt, grâce à moi, vous ne serez plus si inculte. Et il fera moins le malin, votre pote qui la ramène toujours parce qu’il aurait pu être prof d’histoire s’il avait terminé son master, quand vous lui montrerez que vous en savez plus que lui sur les origines du foot. Ah ! Comme quoi, on peut aussi se cultiver entre deux bières, pendant les arrêts de jeu… 

De tout temps (comme écriront tout à l’heure de nombreux bacheliers planchant sur leur sujet de philo, au mépris des conseils de leurs professeurs qui leur ont dit et répété qu’on ne commençait pas une dissertation par « De tout temps… »), de tout temps, donc, les hommes ont ressenti le besoin dévorant de taper du pied dans des objets plus ou moins sphériques. Il suffit de vous voir : vous vous baladez tranquillement, jusqu’à ce que vous tombiez nez à nez avec une pierre qui vous paraît tout à fait déplacée au beau milieu du trottoir, avec une canette de Coca Cola ou une boîte en carton. Qu’est-ce que vous faites ? Vous donnez un grand coup de pied dedans, l’objet décolle, se pose un peu plus loin. Si vous n’êtes pas pressé, vous poursuivez même l’objet un moment, pour lui donner encore un ou deux bons coups de tatane. C’est dans la nature de l’homme. À croire qu’il est venu au monde essentiellement pour accomplir ce geste rituel. Il semblerait donc que le football ait existé depuis les origines. Mais plus exactement ? Eh bien, mes enfants, nous allons remonter le temps. Embarquez tous dans ma DeLoreane, je vous emmène en Chine. Prenez votre stylo et notez : grand un, du cuju à l’harpastum (à vos souhaits).

I. – Du cuju à l’harpastum

Tout commence donc (et bien sûr, on ne commence jamais un devoir par « tout commence » non plus) en Chine, durant la Période des Royaumes combattants (476-221 av. J.-C.). C’est sans doute durant cette période que le jeu de balle appelé cuju apparaît. Il faudra attendre la dynastie des Han (206 av. J.-C.-220 ap. J.-C.), pour que la popularité du jeu se répande à travers tout le royaume de Chine. On commence à fixer les règles du jeu, qui se déroule dans une salle du palais. Évidemment, il est difficile aujourd’hui de se figurer comment on y jouait, puisqu’à l’époque, ce n’est pas seulement l’arbitrage vidéo qui n’existait pas, mais la vidéo elle-même. Imaginez un peu toutes ces retransmissions sportives auxquelles on a échappé ! Heureusement, John Woo a pu reconstituer une partie de cuju dans son film Les Trois Royaumes. Ne me demandez  pas comment il a fait.

Le cuju peut se jouer avec n’importe quelle partie du corps, à l’exception des mains. Du coup, les pieds, c’est bon. Les genoux, la poitrine, la tête : enfin, vous voyez, quoi. Le jeu est avant tout technique : le nombre de fautes commises par les joueurs détermine qui a gagné la partie. Ne m’en demandez pas plus : je ne suis déjà pas capable d’expliquer les règles du football, alors un jeu de l’Antiquité que personne ne connaît, merci bien ! Toujours est-il que le jeu a perduré jusqu’à la dynastie des Ming (XIVe – XVIIe siècle ap. J.-C.).

Les peuples précolombiens, eux, ont également le jeu de balle dans le sang. Et c’est peu dire, puisque ce jeu pratiqué par les Mayas deux mille ans avant notre ère, s’accompagne généralement de sacrifices rituels. Ne commençons pas à critiquer les traditions ancestrales, s’il vous plaît. Bref. Les Mayas, qui ne font jamais rien comme tout le monde, jouent avec les hanches, les coudes, les fesses et les genoux mais s’interdisent de toucher la balle de la main ou du pied. Le jeu consiste essentiellement à renvoyer la balle de caoutchouc dans les lignes adverses sans qu’elle touche le sol, ou de la faire passer à travers un anneau fixé au mur. Et les vainqueurs obtiennent le droit sacré de se faire ouvrir le ventre sous le soleil en l’honneur des dieux. Si ça, c’est pas la classe…

Bizarrement, ce sont les jeux de balle les plus proches de notre culture, ceux de l’Antiquité grecque et romaine, qui nous sont les moins connus. On a une vague idée de ce à quoi devait ressembler une partie de cuju, au Mexique les jeux de balle aztèques sont encore pratiqués dans des fêtes traditionnelles… En revanche, on manque de sources pour comprendre ce qu’était l’harpastum. Une chose est sûre : ce n’était pas un médicament. Vous confondez avec l’hépatoum. Les Grecs disent phéninde, mais il semblerait que ce soit la même chose. Les descriptions qu’en donnent les auteurs de l’époque, Suétone ou Martial, sont imprécises et contradictoires. Une chose est sûre : ce jeu se pratiquait à la main. Il s’agissait d’une forme de jeu de paume que l’on considère comme l’ancêtre du rugby. Ça nous éloigne des pieds, et donc du football.


Comme quoi, non, de tout temps, les hommes n’ont pas eu envie de taper dans une balle avec les pieds. Ils hésitaient encore. Pieds ? Mains ? Ni l’un ni l’autre ? Les choses ne vont jamais de soi, dans la vie. La semaine prochaine, je vous ferai visiter un peu de la Bretagne celtique, et on se fera un match avec des druides…

Raphaël Juldé

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